
Mes ailes repliées, je suis l’ange damné.
De mon linceul de crêpe habillée,
J’attends la nuit qui vient envelopper,
Ce corps allangui sur la pierre allongé.
Mon tombeau ouvert attend l’heure,
Mes yeux sentent la sourde douleur.
Mes cheveux de feu trahissent la pâleur,
Sur mes joues s’écoulent les pleurs.
Je me suis préparée à ce destin funèbre,
Et m’enfonce par défi vers les ténèbres.
Chacun de mes vers a un goût de aigre,
L’autel des supplices me soupèse si maigre.
J’e connais les fantasmes de la perdition,
Pour moi sur le seuil une apparition.
Par la porte, je distngue un ange, un démon
Le dernier souffle dans mes poumons.
Ce sol si froid, n’est fait que de poussière de vie.
Sous la voûte de ma prison, une seule envie,
Une pauvre rose, par le temps flétrie,
Que dans mon éternité l’éclat, je chérie.
Sur le chemin du palais, je déposerais des croix,
Et la vie glissera entre mes longs doigts.
Le courant me caressera de son voile de soie,
Les flambeaux là bas, me montreront la voie.
J’entends au lointain les plaintes sur le rivage,
Je ne distingue déjà plus son pâle visage.
Les goélands lancent des cris hideux,
Sous l’eau disparaissent mes cheveux.
Mollement, mes ailes pointent vers les profondeurs.
Des éclairs merveilleux, contiennent mes peurs.
Dans ma gorge, le sel une funeste saveur,
Le froid me gagne si pénétrant, je meurs.
Au milieu des coraux avenants, une clairière,
Je vois se dessiner sans bruit, mon lit mortuaire.
Des algues effilées, telle une crinière,
Viendront sur mes os blanchis, simple suaire.
La mort, rêverie ou remède suprême,
Mes membres enchaînés devenus blêmes.
Je ne suis que l’ombre de moi-même.
Mon dernier souffle à ceux que j’aime.
La porte est restée ouverte, mes chaînes retombent,
Je me relève, me dirige vers la lumière féconde.
Libérée, je monte sur la barque, la lune est ronde,
Elle me conduit doucement vers ma tombe.
De l’antre d’Ankou, j’entends le son d’une corme,
Pourquoi, sur vos lèvres ce sourire si morne.
Je vais dans une contrée, où vont les fleurs fanées,
Rejetée par le ressac, dans la baie des trépassées.
Cette nuit, je vais célébrer mon mariage,
Avec cet ouvrier au manteau sans âge.
Oubliés tous ces sombres personnages,
J’ai choisi de partir, ne plus être sage.
Je serais dans quelques heures, son épouse,
De moi, ne soyez point de sinistres jalouses.
Du néant, je sèmerais quelques graines,
La marée vous les ramènera un jour avec peine.
Ne cherchez pas dans ces vers, l’envie de vivre.
De ma frénésie, je suis à présent ivre,
Vous ne lirez pas en moi comme dans un livre.
Mon secret bien caché, je vous en prive.
Tu la connaissais, l’énigme de ma vie,
Le ver implacable a gagné le fruit.
Aujourd’hui, la chair a pourri,
Au carrefour, mon chemin je poursuis.
L’eau qui suinte sur les murs de ma prison,
Un éveil qui m’empêche de tourner en rond.
Le froid me transperce, mon hymen gage de l’union.
Voilà le temps venu de la douce séparation.
Tout ce que ma vie a de bon et d’amer,
Je le vois sombrer lentement dans la mer.
Seul ce poème, abandonné à terre,
Comme un naufragé gonflé, le corps déjà vert.