6 réponses à ce sujet

[Lacey]

Quel est votre avis sur le concept de l'Art pour l'Art?

 

Je suis preneuse de chaque idée pouvant m'éclairer et affiner ma pensée sur le sujet.

 

Merci!

 

Lacey

[Stephen_G]

Je trouve ce concept assez limité. Avis perso.

[Lacey]

C'est noté, merci d'avoir répondu, n'hésite pas à développer si tu en as l'envie (et le temps)!

[lokikoli]

L'art pour l'art étant par définition le fait de mépriser l'utile et de ne trouver de vertus que dans le futile, je pense que tous les joueurs assidus de BigBangEmpire doivent un peu participer de ce combat...

 

Quoi de plus dérisoire, de plus fou que de consacrer des heures de sa vie à une accumulation de chiffres virtuels (billets, capa, niveaux, expérience ) qui n'ont aucune valeur que dans la beauté qu'on y trouve? 

 

Certains vous diront qu'ils y trouvent leur compte, que cela "sert" à se détendre, n'en croyez rien: il vous suffit de lire quelques posts sur ce forum: la frustration, le déplaisir, la déception sont omni-présent... pourtant on continue. Pas pour la satisfaction que cela procure, non... 

 

L'art pour l'art, une logique au delà de toute logique, la beauté du geste vain qui ne se motive que par lui même. Je crois que dans une époque dont les philosophes ont démontré l'absurde, ce concept a bel et bien sa place. 

[Stephen_G]

Je pense que la mention de BBE est un peu malvenue, et dévalorise ton message intéressant.

(je ne voudrais pas que ce sujet dérive sur des plaintes à propos du jeu)

 

Je n'avais pas développé exprès (déjà, parce que ce concept m'était inconnu, j'ai dû faire quelques recherches), je voulais juste lancer la conversation...

 

Lacey, tu as découvert ce concept de "l'Art pour l'Art" de quelle manière ?

[Lacey]

En arrivant dans une université français, mon UFR était à côté de celui des arts et j'ai discuté avec des gens de cet UFR qui m'ont parlé de ce concept. J'y est pensé très longtemps et là je cherche d'autres avis pour voir ce qui peut manquer au mien pour être complet et tenir debout. Chez nous ce n'est pas aussi valorisé et surtout on en parle peu, à part de la "mode du moment".

 

J'aime bien le concept et si on le place dans certaines théories physiques, notre univers n'a qu'un but esthétique, ce que je trouve assez incroyablement intéressant à imaginer.

[BoobyWatson]

Ouais. Ou alors l'univers n'a aucun but en lui même et n'est qu'une série de phénomènes physiques explicables et quantifiables à qui on prête une certaine beauté parce que ça nous touche et nous inspire. Déjà, le beau est une notion vague que Platon déjà n'arrivait pas bien à cerner, en tous cas, jusqu'à ce qu'il bricole le système des Idées avec une Idée du beau absolu qui ne peut se trouver dans notre monde bassement consistant et physique.

 

"L'Art pour l'art" est surtout, lorsqu'il est exprimé pour la première fois par Théophile Gautier au XIXe siècle en Français, une réaction à autre chose. C'est un acte qui a pour but de délaisser tout but à l'art (Gautier étant écrivain, il parle surtout de poésie mais l'art étant multiple, on peut adapter le concept avec tout), ce qui signifie rompre avec ce qui se fait au même moment.

 

Et ce qui se fait, c'est de l'art politique. A cette époque, on est sortis des néo-classiques comme le peintre Jacques-Louis David qui glissait des sous-textes politiques quand il évoquait des épisodes de la république romaine ou le poète et dramaturge Jean Racine et ses grandes fresques morales. On est aussi dans la période romantique, où Victor Hugo glorifie Napoléon Bonaparte et traite de nabot son neveu dans sa poésie ; ses romans parlent d'un curé du moyen-âge tenté par le pêché de chair (quitte à faire du chantage à la femme en question sur un bûcher) et d'un ancien bagnard pourchassé toute sa vie (pour avoir piqué du pain) jusque dans les émeutes des Trois Glorieuses. Politique et morale encore une fois. A la fin du XIXe siècle on va voir s'installer le réalisme et le naturalisme (avec Zola et Flaubert entre autre) qui va se faire une joie de parler de la vie d'ouvriers, de bourgeois décadents et taper en plein dans le social. Plus politique que ça, on peut pas.

 

Bref, contre tout ça, Théophile Gautier va forger cette expression, l'art pour l'art parce que pour lui, l'art c'est le beau et le beau n'est pas utile. Ce qu'il préconise, c'est de créer du beau sans chercher un sous-texte politique ou moral, seule la qualité esthétique de l'oeuvre compte.

 

Maintenant, ce que j'en pense. J'y crois pas. Pour moi, "l'art pour l'art", comme "parler de rien", c'est avant tout une expression imagée qui traduit une intention de la part de la personne qui l'utilise. Concrètement, il est impossible de ne parler de rien parce que parler de rien, comme disait Raymond Devos, c'est déjà parler de quelque chose. Or, dire qu'on fait de l'art sans but, c'est déjà avoir le but de ne pas en avoir (vous avez dit paradoxe =D). En fin de compte, ce que je comprend comme faire de l'art pour de l'art, c'est faire de l'art pour soi-même sans arrière pensée avec pour seul objectif de montrer sa vision du beau. Et cette vision est fatalement éclatée entre les millions de point de vues possibles de chaque artiste.